VIOLAINE TOTH

Article écrit par Bérénice & Camille Sultra pour Relief Magazine.

Artiste céramiste française, Violaine Toth présente un parcours qui force l’admiration.

La beauté et la qualité de son travail ne doivent rien au hasard mais sont le fruit d’une détermination sans faille, renforcée par l’amour qu’elle porte à l’expression de son art. Expatriée à Berlin depuis maintenant 3 ans et récemment installée dans son tout nouveau studio situé dans le quartier de Neukölln, Violaine Toth fait partie de ces artistes dont l’identité créatrice trouve ses origines dans un cheminement de vie en perpétuelle évolution, si ce n’est, en remise en question.

Relief est parti à la rencontre de cette céramiste inspirante dont le sourire et l’énergie débordante détonnent avec l’univers discret et sibyllin de ses créations.

Violaine Toth, photo ©Josefine Aspvik

Entre découvertes et révélation : sur le chemin de la céramique

Diplômée d’un Master de Design Produit à Orléans en 2017, Violaine a le privilège de découvrir, durant ses années de formation aussi éclectiques qu’enrichissantes, l’apprentissage de nombreux métiers d’art. Elle s’initie notamment aux techniques de l’ébénisterie, du soufflage de verre ou encore du design textile. Dotée d’une insatiable curiosité, Violaine façonne, au cours de ces cinq années d’études, un chemin artistique jalonné de stages, d’expérimentations, de rencontres mais également, de voyages.

Sans se destiner à l’époque à une carrière de céramiste, elle profite de ce cursus pour parcourir plusieurs pays d’Europe. Violaine poursuit alors sa formation pluridisciplinaire au sein de différents ateliers, animée par une soif d’apprentissage et par la nécessité croissante de continuer à explorer d’autres artisanats d’art.

“Pendant ses années d’étude, Violaine s’initie aux techniques de l’ébénisterie, du soufflage de verre ou encore du design textile avant de découvrir, presque par hasard, la céramique.”

Finalement - et presque étonnamment, sa rencontre avec la céramique sera le simple fruit du hasard. Celle-ci survient à l’occasion d’un stage en art textile à Eindhoven, en Hollande, lorsqu’elle découvre, parallèlement, le travail de la céramiste Elke Van den Berg. Cette révélation artistique aura une influence décisive sur le parcours de Violaine qui éprouve rapidement un profond attrait pour cette nouvelle discipline. Elle consacre, dès lors, tout son temps libre à se rendre à l’atelier et à observer, avec minutie et en silence, les moindres gestes de la créatrice, s’imprégnant ainsi d’un savoir-faire ancestral qui éveille en elle un intérêt grandissant.

De retour en France, Violaine se formera aux côtés de Michael Buckley, artiste céramiste orléanais. Sensible aux questions d’environnement et de biodiversité, elle saisit l’opportunité d’explorer le lien existant entre la Nature et le milieu urbain. A l’issue de ses recherches, et avec pour objectif de valider son diplôme de fin d’année, Violaine crée une série de prototypes d’abri en terre cuite destinés aux oiseaux ainsi qu’aux insectes dans les espaces publics de la ville.

Berlin et l’ouverture des possibles

Période charnière, moment décisif ou simple concours de circonstances, c’est à son arrivée à Berlin, loin de ses repères et avec pour seule conviction le désir pressant de s’exercer à la céramique, que Violaine puisera en elle toute sa force créatrice.

Poussée dans ses retranchements, elle trouve alors refuge dans la pratique quotidienne de son art afin de palier la solitude qui l’assaille. La céramique revêt une symbolique cathartique qui lui ouvre naturellement la voie de la découverte de soi et d’un accomplissement double, tant sur le plan personnel qu’artistique.

“L’omniprésence du noir dans ses créations naît d’un désir de retranscrire, à l’aide de ses mains, toute l’intensité de ses émotions. ”

L’omniprésence du noir dans ses créations naît d’ailleurs à cette époque d’un désir d’exprimer sa mélancolie. Une façon pour elle de retranscrire, à l’aide de ses mains, toute l’intensité de ses émotions.

Téméraire et faisant preuve d’un grand sens de l’abnégation, Violaine commence rapidement à enseigner la céramique dans le centre d’art berlinois Ceramic Kingdom tout en consacrant ses soirées ainsi que ses week-ends à apprivoiser son tour de potier, à affiner sa technique et à améliorer son toucher.

Sobriété esthétique et rapport à la Nature

De manière indéniable, il existe une forte corrélation entre son parcours de vie et l’esthétique de son univers. Une porosité certaine qui témoigne de sa sensibilité et de divers facteurs d’influence parmi lesquels figurent notamment, les planches botaniques du naturaliste suédois Carl von Linné, fondateur d’un système de classification des espèces végétales et animales inédit au XVIIIe siècle. La jeune céramiste voue par ailleurs une grande fascination à l’Art Nouveau - mouvement artistique dont les motifs et les courbes entrelacés font délibérément écho à la Nature.

Cette particularité stylistique n’est pas sans rappeler la théorie de Karl Blossfeldt - photographe de la Nouvelle Objectivité allemande -, selon laquelle toutes les formes existent déjà dans la Nature. Les artisans-créateurs y trouvent de ce fait une éternelle source d’inspiration dans leurs recherches de nouveaux designs d’objet.

Dans un registre différent, Violaine accorde également une certaine importance au design scandinave dans son rapport sobre et minimaliste au travail d’ornement. Plus largement inspirée par une philosophie naturaliste, Violaine se plaît à revendiquer son rapport intime à l’environnement tout au long du processus d’élaboration de ses œuvres. En témoignent notamment, de la conception à la fabrication de ses pièces, l’étape préliminaire du croquis, le choix des matériaux naturels utilisés - essentiellement du grès -, ainsi que leur coloris à dominante noire ou blanche.

Façonner des objets dans la plus simple expression de leur utilité

La fonctionnalité de l’objet, son rapport à l’espace et l’impact de son design dans un usage quotidien sont au cœur de la réflexion pratique de Violaine. Elle se lance dans une réinterprétation utilitaire et esthétique de contenants domestiques tels que la tasse, la coupe ou encore le vase. Dans cette optique, la créatrice effectue de nombreux dessins préparatoires regroupés selon une typologie de « familles » d’objets comme elle se plaît à les définir. Il s’agit de plusieurs séries de contenants dont la forme de la base et des anses se décline au gré de son imagination.

“La rusticité de la matière, due aux aspérités ou aux craquelures en surface, s’accompagne, dans la majeure partie du temps, d’un choix de coloris révélateur tant sur le plan émotionnel qu’esthétique”

En ce sens, l’approche artistique de Violaine met davantage l’accent sur la forme plutôt que sur le coloris. Les courbes de l’objet priment sur la teinte choisie et la tonalité sobre des grès blanc et noir souligne avec élégance le volume de la pièce modelée. Ici, l’objet est élaboré dans la plus simple expression de son utilité, dans un travail de simplification des formes et de valorisation de la ligne.

 En outre, par souci de neutralité, le grès ne fait pas systématiquement l’objet d’une phase d’émaillage. L’argile que Violaine utilise le plus fréquemment, en l’occurrence le grès noir chamotté, conserve ainsi son caractère brut et naturel. La matière première, sublimée dans le respect et la mise en avant de ses spécificités, offre alors un étonnant jeu de textures reposant sur une double combinaison : une matité d’un noir intense alliée à une sensation de rugosité perceptible à la vue comme au toucher.

 Cette rusticité de la matière, due aux aspérités ou aux craquelures en surface, s’accompagne, dans la majeure partie du temps, d’un choix de coloris révélateur tant sur le plan émotionnel qu’esthétique. Après le choix de la matière, celui de la couleur vient délibérément renforcer une impression d’apparente simplicité.

La rugosité brute des textures mêlée à la grande douceur des courbes

Le travail de Violaine s’appuie sur une dualité spécifique, un contraste dont la singularité définit l’ADN de son œuvre : la rugosité brute des textures mêlée à la grande douceur des courbes. Un équilibre parfait qui résulte de l’alchimie de deux postulats que tout semblait opposer. L’harmonie d’ensemble, que l’on retrouve notamment dans la gamme de vases, confère au style de Violaine toute son unicité. Certaines pièces arborent une silhouette délicate dont la grâce émane, avec subtilité, de la rondeur des courbes et du raffinement des anses.

Cette dualité est le reflet d’une sensibilité émotionnelle et artistique complexe, d’une expressivité silencieuse que Violaine cultive en son for intérieur mais ne dévoile en toute discrétion qu’au détour de ses œuvres.

En partageant son interprétation poétique d’un savoir-faire millénaire, Violaine Toth nous transmet une valeur fondamentale : l’humilité. Sans conteste, l’artisanat de la céramique signe un retour aux essentiels. La créatrice ne maîtrise pas les éléments originels que sont l’Eau et la Terre, elle les apprivoise. Dans le processus de confection d’une pièce faite à la main, le respect porté à la chronologie de chaque étape devient le gage d’une production de qualité durable. Seul l’ensemble des gestes et des acquis techniques exige d’être parfaitement maîtrisé, permettant ainsi à la céramiste de s’élever dans son art. Tourner un morceau d’argile constitue dès lors un acte d’abandon pur. La matière devient le medium d’un nouveau moyen de communication où les émotions prennent vie grâce au toucher et aux sensations.

“Les oeuvres de Violaine sont le reflet d’une sensibilité émotionnelle et artistique complexe qu’elle cultive en son for intérieur mais ne dévoile en toute discrétion qu’au détour de ses créations”

Le langage des mains devient alors indissociable de la notion de mémoire du geste et de la forme dont l’empreinte façonne la matière.

 Talentueuse et indépendante, Violaine est également une créatrice engagée qui n’hésite pas à se servir de son art comme un puissant vecteur d’expression et de revendication identitaire. En témoigne sa toute récente collaboration avec Pornceptual, véritable manifeste d’une pensée libérée et assumée qu’incarne parfaitement cette artiste Queer.

Personnalité aux facettes multiples, Violaine est de ces artisanes dont le rapport au monde comme à l’art suscite, sans la moindre hésitation, l’envie d’en découvrir davantage, ce dont on aurait - à titre personnel -, tort de se priver.

 

Article écrit par Bérénice & Camille Sultra pour Relief Magazine.


DÉCOUVRIR LE TRAVAIL DE VIOLAINE TOTH

www.tothviolaine.com

@violainetoth.ceramic


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